Carnet de turpitudes, in medias res

Et parfois je les fais écrire…
Voilà longtemps que E. vient me voir. Automne, été, printemps ou hiver, nous avons beaucoup joué et éprouvons l’un pour l’autre une estime réciproque teintée de peu de familiarité.
Voici ses confessions.
Mercredi, 19h40
Deux mots : chatte et odeur.
Trois jours déjà que vous m’avez ordonné d’être chaste ! Le cerveau est une curieuse machine : il suffit de s’interdire quelque chose pour en avoir envie… Dans une sorte de jeu masochiste, je me surprends à penser à vous, alors que je n’ai pas le droit de me toucher.
Vous êtes assise à votre fauteuil, celui avec les barreaux auquel je m’agrippe de façon pathétique quand je suis à vos pieds.
Crochet sanglé à mon cou, l’intimité remplie par cette boule d’acier, j’attends comme un petit animal servile à qui l’on autorise quelques largesses par affection, réduit à mes instincts les plus bas : mettre mon nez là où vous me l’indiquez.
Respirer.
Pourquoi m’infliger de telles pensées si ce n’est pour rendre la frustration insoutenable ?
Je coule. Il est temps de me calmer…
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Jeudi, 12h45
Deux mots : honte et excitation.
Shopping. Acheter de la lingerie. Elle sera blanche. J’ai la faiblesse de penser que cela vous amusera de faire ressortir au maximum en bronzage.
Choisir la bonne taille, rester discret, puis filer à la caisse. La vendeuse est particulièrement sexy avec ce sous-pull sans manches, qui galbe sa poitrine. Que porte-t-elle en dessous ? Sans doute aurait-elle pu utilement me conseiller…
Pendant que ces longs bras dénudées s’agites pour emballer l’objet du délit, voilà qu’en me tendant le paquet, elle ne peut contenir un sourire au coin. Je rougis instantanément. Je n’ose me retourner sur la file d’attente qui s’est formée derrière moi.
Madame, que ne ferais-je pour vous ?
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Jeudi, début de soirée
Deux mots : ficelé et impuissant.
L’envie est trop forte, je ne peux m’empêcher de consulter votre compte Twitter. Toujours cette élégance, cette retenue, cette classe, qui savent si bien me tenir en respect.
Je pense alors à ces moments où, tout d’un coup, vous décidez de basculer dans un autre registre. Se faire souiller par une femme distinguée et sans doute la plus excitante des expériences. Être couvert de vos fluide, se transformer en territoire que l’on marque, tandis que vous reprenez votre contenance et votre allure hautaine. Hésiter entre le sentiment d’être humilié et une certaine fierté d’avoir été salie par celle qu’on admire. Un 19 crachat et champagne
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Vendredi, fin de matinée, dans un quartier d’affaires.
Deux mots : ficelé et impuissant.
Au milieu de la foule je ne vois qu’elle. Elle n’est pas spécialement belle, mais elle dégage une autorité naturelle. Est-ce son regard qui fixe l’horizon ? Ses cheveux tirés impeccablement en arrière ? C’est surtout sa robe beige qui m’interpelle : une succession impressionnante de sangles maintiennent le tissu près du corps à la manière d’un uniforme.
Une image me traverse l’esprit, celle d’une camisole. Voilà qui aurait de quoi contenir mes ardeurs de mauvais garçon…
Photo d’Alice de Montparnasse.