J’attends, Maîtresse

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Lui est déjà entré dans la pièce obscure alors que je reste sur le seuil. Dans l’ombre, une forme. Quelqu’un. Un homme dans la soixantaine, nu à l’exception du bout de tissu qui couvre son sexe. Il se tient debout, silencieux et immobile, jambes serrées et bras écartés le long de la croix, drôle de Jésus aux cheveux blancs.

J’hésite à entrer. Un jeu doit être en cours. Je suppose que là, tapie quelque part derrière lui, se tient une femme avec un fouet. Je scrute les ténèbres. Personne. J’hésite encore.
Je demande enfin :
– Puis-je entrer ?
– Bien sûr, Maîtresse.
J’entre. Personne, en effet.
Je demande tout de même :
– Mais vous êtes seul ?
– Oui, Maîtresse. Je suis seul et j’attends.
Je ne lui ai pas demandé quoi, ou plutôt qui. Je le savais déjà. Mon Jésus attend une femme comme moi, une qui porte haut bottes, cravache et sourire sévère.
Je sors de la pièce sans le frôler.

Plus tard je revois mon Jésus toujours debout, immobile et presque nu. Mais cette fois il a choisi un lieu de passage, l’ouverture voûtée entre deux salles de jeux. Et cette fois, il ne me voit pas : un masque de sommeil couvre son visage.
Je pense qu’il s’imprègne de la moiteur des autre corps en mouvement, de la musique qui tourbillonne, des cris et des bruits d’impact, paumes-fouet-martinet-cravache contre chairs offertes.
Je pense que personne ne veut jouer avec lui.
Je pense qu’il est encore seul et qu’il attend et qu’au fond, c’est triste. Parce que moi, je déteste attendre.
Je pense que mes filtres ne sont peut-être pas les bons. Qu’il est peut-être ravi d’attendre nu, silencieux et immobile, petit Jésus oublié au coin.

Je m’approche. Mais avant de le toucher, je m’incline près, très près de son oreille, jusqu’à respirer ses cheveux blancs, et je souffle.
Il sursaute de surprise. C’est un excellent début.