Le Génie des alpages

Lui voulait de l’humiliation dure et moi, à cette époque, je n’aimais pas ça. Je l’avais quand même accepté en client, et de bon coeur, car je voyais dans nos rendez-vous mensuels une façon de faire mes gammes. Puis Maarten était respectueux, d’une paisible rectitude de pays nordiques : il signait ses mails de son prénom en minuscule, maarten, tel que les esclaves sont censés le faire, et me donnait de la majuscule ; il était toujours à l’heure et poli, à payer dès son arrivée sans que je n’aie à réclamer, en comptant les billets à voix haute :
– Cinquante, cent, deux cents… le compte est bon, Madame !

Avant une séance, Maarten m’envoyait souvent des liens vers des vidéos qui l’excitaient.
« Pour inspirer Votre imagination si Vous veniez à en manquer », disait-il.
Une fois je découvris un soumis à genoux qui, entre deux quolibets, buvait dans un escarpin sale l’urine d’une jeune femme. Champagne !
Une autre fois, un sauvage rodéo qui m’évoqua aussitôt le titre Macadam cow-boy.
Une autre fois encore, une séquence qui me laissa entre le rire, la gêne et la stupéfaction : dans un pré, un homme cagoulé se tenait debout, entièrement nu, les couilles attachées et lourdement tirées vers le bas par… une cloche de vache. Une vraie cloche, une des alpages qui ne déparerait par une célèbre publicité pour le chocolat. Une voix hors champ, celle de sa Maîtresse, lui ordonna de se branler. Le petit homme, restreint dans ses mouvements, avait le plus grand mal à s’exécuter, d’autant que la cloche lui heurtait cruellement les cuisses.
Ding dong ding !
– Faster, bitch !
Sa verge à moitié molle lui échappa. Voilà le soumis moqué et puni, avec ordre de recommencer sur le champ. Et il recommence avec vigueur,
et il s’escrime,
et il bande, à peine,
et la cloche pèse sur ses couilles et rebondit contre son entrejambe,
tinte, tinte, tinte la cloche,
scande scande scande sa soumission absurde…
DING DONG DING !

Je fermai la vidéo, songeuse. Et me pris à imaginer un troupeau de soumis aux couilles captives, en transhumance forcée dans mon boudoir, s’astiquant le manche devant moi, la cheffe d’orchestre qui hurlerait des phrases improbables,
« Giclez en choeur à la cloche de bois ! »,
« Destination Clochermerle, à droite au bout du couloir ! »
« Y a un truc qui cloche, hoche hoche hohe ! »
« Sonnez les cloches, mes frères ! »
DING DONG DING !
C’est les voisins qui seraient contents.